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Amas globulaire M3

M 3 - Amas globulaire - Chiens de chasse - Image : Christophe Mele

L’amas globulaire M3 (NGC 5272) se situe dans la constellation des Chiens de chasse. A première vue, il n’y a rien qui ressemble plus à un amas globulaire qu’un autre amas globulaire. Il m’arrive même de m’emmêler avec toutes ces « balles de coton » observées !

Pourquoi photographier l’amas globulaire M3 ?
Les amas globulaires sont des objets célestes exceptionnels. Par exemple, sur cette image de l’amas globulaire M3, vous voyez le rassemblement d’½ million d’étoiles liés ensemble par la gravité et concentrées dans un diamètre de 160 années-lumière. Il se situe dans le halo de notre Galaxie à environ 34 000 années-lumière de chez nous et, il est presque visible à l’œil nu. Sa magnitude apparente est de 6,4, ce qui correspond à une magnitude absolue de -8,93 [1]. Phénoménal, n’est-ce pas ?

M 3 - Amas globulaire - Chiens de chasse
M 3 – Amas globulaire – Chiens de chasse
Les amas globulaires : qui sont-ils et que nous apprennent-ils ?

Les amas globulaires sont d’une utilité fondamentale dans la compréhension de notre vision de l’Univers. Par exemple, l’étude de la répartition spatiale des amas globulaires autour de la Galaxie a permis de démontrer, notamment grâce aux travaux de Shapley (1917), que le Soleil ne se situe pas au centre de notre Galaxie mais excentré en direction de la constellation du Sagittaire [2] et [3].

Structure de la Voie Lactée vue par la tranche et de face [4]
Ci-contre : Structure de la Voie Lactée vue par la tranche et de face [4]

Les amas globulaires ont pour point commun d’être constitués par des étoiles peu massives, très âgées (environ 15 milliards d’années) et ayant une faible abondance en éléments lourds. D’après les travaux de Baade (1944), on distingue 2 grandes classes de population d’étoiles présentes dans notre Galaxie. La classe de population I regroupe les étoiles riches en métaux principalement situées dans le plan central du disque galactique et dans les bras spiraux de la Galaxie. A contrario, la classe de population II réunit les étoiles de faible abondance en éléments lourds et sont principalement observées dans le halo et le bulbe galactique.

Les étoiles des amas globulaires appartiennent à la population II, composées de vieilles étoiles, car elles se sont donc formées les premières à partir du gaz de la nébuleuse galactique primordiale [5].  De ce fait, la composition chimique des étoiles des amas globulaires est donc celle qui prévalait dans les premières époques de notre Galaxie et renseigne sur l’évolution chimique de celle-ci. Au sujet de leurs âges, les astrophysiciens émettent l’hypothèse que les amas globulaires ont donc un âge avoisinant celui de la galaxie qui les héberge [6].

Évolution stellaire et diagramme HR : cas des étoiles de l’amas globulaire M3.
Le diagramme de Hertzsprung-Russell, en abrégé diagramme HR, est un graphe dans lequel est indiquée la luminosité d’un ensemble d’étoiles en fonction de leur température effective. Ce type de diagramme a permis d’étudier les populations d’étoiles et d’établir la théorie de l’évolution stellaire. [7]

Le diagramme HR : présentation

Ci-contre : Présentation du diagramme HR - Source : ESOCi-contre : Présentation du diagramme HR. Source : Wikipédia [7]

L’évolution stellaire [8] décrit l’ensemble des changements affectant les propriétés physiques et chimiques des étoiles. La représentation graphique de cette évolution stellaire est visuellement traduite par le diagramme de Hertzsprung-Russell ou plus communément appelé diagramme HR. Au début du XXème siècle, les 2 scientifiques découvrent chacun de leur côté que la luminosité des étoiles dépend de leur température de surface.

Sur ce graphique est représentée la luminosité des étoiles (ordonnée) en fonction de leur température de surface (abscisse). Une grosse étoile bleue, très brillante et très chaude (température de surface de 50 000 K) sera représentée par un point en haut et à gauche du diagramme alors qu‘une petite étoile rouge, peu brillante et relativement froide (température de surface de 3 000 K) par un point en bas à droite.

Que nous apprend le diagramme HR au sujet des étoiles de l’amas M3 ?

Le diagramme HR de l’amas globulaire M3 est intéressant car il nous livre quelques indications sur son âge et sur sa distance. Bien que toutes les étoiles de cet amas aient sensiblement le même âge et la même composition chimique, elles ne sont pas toutes dans le même état d’évolution pour autant.

HR_M3_ZonesCi-contre : Diagramme HR de l’amas M3. [5] - Cliquez sur l'illustration.

On distingue plusieurs zones [5] [9] et [10] :
- la séquence principale (Main Sequence en anglais) : elle correspond à l’âge adulte des étoiles. A ce stade, les étoiles brûlent l’hydrogène contenu dans leur cœur en le transformant en hélium. C’est le cas de notre Soleil par exemple. Dans le cas des étoiles de l’amas M3, la séquence principale dessine une bande en diagonale plutôt étroite et courte et qui se limite à la partie inférieure du diagramme HR. Cet aspect typique indique que l’on a affaire à un amas globulaire particulièrement vieux.

- le point de retournement (turn-off en anglais) : les réserves d’hydrogène s’épuisent dans le cœur de l’étoile. Elle quitte donc la séquence principale pour débuter une nouvelle phase de son évolution. Sur le diagramme, ce point de retournement se manifeste par un « coude ». La position du « coude » correspond à l’âge de l’amas. La lecture du diagramme HR de M3 et la position du « coude » très bas sur le graph atteste de la vieillesse des étoiles dans cet amas globulaire (étoiles peu brillantes, rouges et peu massives).

- la branche des géantes rouges (RGB) : lorsque la fusion de l’hydrogène cesse, le cœur d’hélium de l’étoile se contracte et s’échauffe. Par conséquent, autour de ce cœur en contraction, les couches externes de l’étoile qui n’étaient pas encore suffisamment chaudes le deviennent. S’amorcent alors la fusion de l’hydrogène que renfermaient les couches externes de l’étoile. L’énergie libérée provoque une expansion majeure des couches externes. En gagnant en volume, l’enveloppe perd en densité et en température. Cela se traduit par un changement de couleur, vers le rouge. L’étoile devient alors une géante rouge et c’est ce qui arrivera à notre Soleil dans 5 milliards d’années.

- la branche horizontale (HB) : lorsque la température du cœur de l’étoile atteint 100 millions de degrés (108 K), la fusion de l’hélium en carbone et oxygène s’enclenche. A ce stade, certaines étoiles traversent une bande d’instabilité [11] (instability trip) pendant laquelle ces étoiles sont animées de pulsations qui se traduisent par des variations de luminosité périodiques : on trouve à ce niveau du graphique des étoiles pulsantes et variables de type RR Lyrae, typiques des amas globulaires.

L'amas globulaire M3 est extrêmement riche en étoiles variables : selon B. Madore ("Globular Clusters" de Hanes/Madore, 1978), 212 ont été trouvées et 186 périodes déterminées, soit plus que dans n'importe quel autre amas globulaire dans notre Voie Lactée ; enfin au moins 170 RR Lyrae (parfois appelées "amas variables") ont été découvertes. Ces étoiles ont servi de "chandelles standard" pour déterminer la distance de l'amas. [12] et [13]

- La lecture du diagramme HR de l’amas M3 laisse apparaitre une « lacune » dans la branche horizontale. A quoi est-elle due ? Cette zone correspond au trou de Hertzsprung qui est une région du diagramme HR où l’on retrouve très peu d’étoiles. Au cours de leur évolution, les étoiles traversent très rapidement cette région (environ 1000 ans). A ce stade, elles ont épuisé leur hydrogène dans leur cœur mais la fusion de l’hydrogène n’a pas encore débuté au niveau des couches externes de l’étoile. Et, parce qu’elles traversent très rapidement cette zone, elles sont du coup, assez difficilement identifiables sur le diagramme HR. Elles sont soit toujours positionnées sur la séquence principale, ou soit déjà sur la branche des géantes rouges. [14]

- la branche asymptotique des géantes (AGB) : elle regroupe les étoiles en fin de vie. Que se passe-il ? Le cœur de l’étoile se contracte et la combustion de l’hélium et de l’hydrogène ne persistent que dans les couches externes entourant son cœur. L’enveloppe se dilate à nouveau et, du coup, sur le diagramme HR, l’étoile tend à rejoindre la branche des géantes rouges. A ce stade de l’évolution stellaire, des instabilités thermiques se produisent et précèdent l’expulsion de l’enveloppe d’hydrogène pour former une nébuleuse planétaire. Quant à l’étoile, elle se transforme en naine blanche.

- Blue stragglers ou « traînardes bleues » : dans le prolongement de la séquence principale du diagramme HR de l’amas M3, on observe la présence d’un relativement grand nombre d’étoiles bleues, plutôt jeunes et même curieusement beaucoup plus jeunes que le reste de la population stellaire de l’amas. Elles ont été découvertes par Allan Sandage (1926-2010) en 1953 et photographiées avec le télescope du Mont Palomar (Etats-Unis). Phénomène curieux, puisque sachant que les étoiles dans un amas globulaire se forment à la même période, elles auraient dû devenir des géantes rouges. Ces étoiles apparaissent donc comme des étoiles atypiques.

Selon les dernières études réalisées par les chercheurs américains de l’Université Northwestern (Illinois – à proximité de Chicago), les « traînardes bleues » seraient le résultat d’un transfert de masse dans des systèmes stellaires composés de 2 étoiles tournant l’une autour de l’autre. La première étoile va commencer à vieillir et augmenter de volume tandis qu’une partie de sa matière va être absorbée par la seconde étoile qui devient ainsi soudainement plus massive qu'elle ne l'était initialement. Cette seconde étoile se trouve ainsi comme rajeunie et semble alors plus bleue que si elle présentait son âge réel. [15] Les traînardes bleues sont donc des étoiles qui doivent leur « apparente » jeunesse à l'absorption de matière arrachée à leurs étoiles compagnons.

Caractéristiques de la prise de vues
Ces images brutes ont sommeillé plus d’un an sur mon ordinateur. Une autre activité est venue dévorer le réservoir d’heures disponibles. Mais, c’est toujours avec le même bonheur que je retrouve ces images réalisées le 18 mai 2015 à 20 h 57 TU à l’observatoire SIRENE (Lagarde d’Apt – Vaucluse). Parce qu’il y a tout ce qu’il faut sur le site d’observation et surtout un ciel noir d’encre, ce lieu est presque devenu mon camp de base astro de prédilection.

Concrètement, pour réaliser cette image, j’ai accumulé 17 poses pour un temps de pose total d’exposition de 41 minutes et 41 secondes (!) au foyer de ma lunette Takahashi FSQ 106 (106/530). La tête ailleurs et la rigueur s’assoupissant, les images brutes (raw) ont des temps de poses différents. Le capteur numérique est toujours le même : Canon 350D (défiltré) avec une sensibilité programmée à 800 ISO.

M 3 - Cartographie avec PixInsight
M 3 – Cartographie avec PixInsight

Quant à la partie traitement d’images, elle est réalisée à l’aide du logiciel PixInsight. Cela m’a permis au passage de tester la fonction calibration astrométrique et le script annotateImage pour générer comme son nom l’indique une image annotée. Surprise, une galaxie NGC 5263 apparaît toute petite sur l’image. C’est une galaxie spirale de type Sc (c’est-à-dire qu’elle présente une physionomie divergente entre son bulbe peu développé par rapport à l’étendue de ses bras) et sa magnitude apparente est estimée à 14 (selon VizieR). Belle prise, n’est-ce-pas !

Amas globulaire M3 (NGC 5272)
Chiens de chasse
Site de l’observatoire Sirene – Lagarde d’Apt (Vaucluse)
18/05/2015 - 20h57 TU
Takahashi FSQ 106 (106/530) au foyer 
Canon 350D (défiltré) - 800 ISO
17 poses – 41 minutes et 41 secondes

Références :
[1] Messier 3 – Description. (consulté le 17/11/2015)
[2] TRINH XUAN THUAN. Origines – La nostalgie des commencements, Edition mise à jour, Fayard, 2003 ; Gallimard, « Folio Essais » n° 468, 2006, p. 69.
[3] NAZÉ, Yaël. Amas globulaires (1), Le Ciel, mars 2003, vol.65, p. 63-69. (consulté le 17/11/2015)
[4] Schéma publié par l’association « Les Choses de l’Astronomie » (consulté le 17/11/2015)
[5] Les sciences du ciel : « Bilan et perspectives, concepts et vocabulaire », sous la direction de Pierre LÉNA, Paris, Flammarion, 1996, p. 210.
[6] MARATREY, Jean-Pierre. Le diagramme HR, Club d’astronomie Quasar 95, juillet 2009, 13p. (consulté le 17/11/2015)
[7] Diagramme de Hertzsprung-Russell – Wikipédia (consulté le 17/11/2015)
[8] Les sciences du ciel : « Bilan et perspectives, concepts et vocabulaire », sous la direction de Pierre LÉNA, Paris, Flammarion, 1996, p. 352-354.
[9] NAZÉ, Yaël. L’astronomie au féminin. CNRS Editions, Paris, 2014, 191p.
[10] SHU, Frank H. The Physical Universe: An Introduction to Astronomy, University Science Books, Sausalito (California), 1982, p.173
[11] Bande d’instabilité – Définition (consulté le 17/11/2015)
[12] BOURDREUX, Sébastien. Les indicateurs de distance – Initiation à l’astrophysique, p. 1-2. (consulté le 17/11/2015)
[13] Chandelle standard – Wikipédia (consulté le 17/11/2015)
[14] What is the Hertzsprung Gap, and what happens to stars that would otherwise be in it? (consulté le 17/11/2015)
[15] Le mystère des traînardes bleues enfin élucidé, article publié le 22 octobre 2011 par Émeline FERARD. (consulté le 17/11/2015)

Christophe-Louis MELE